Grand Theft Auto IV (Xbox360)
Il y a des jeux comme ça, des noms qui suscitent l’excitation rien qu’à leur évocation, des licences capables de lever les foules (et ici, les convocations et procès en tous genres). Grand Theft Auto (GTA pour les intimes) en fait indéniablement partie, pour notre plus grand plaisir depuis 2001, date à laquelle le genre sandbox (comprenez bac à sable, où l’on peut faire ce que l’on veut) a acquis une réelle dimension grâce au carton planétaire de GTA III sur la PS2 de Sony. Depuis ce jour, chaque nouvel opus, précédé d’une campagne démentielle et des plus grandes attentes, s’est vu couronné d’un succès mondial, aussi bien public que critique, n’en déplaise à Jack Thompson et son armada d’avocats « œuvrant pour le bien des gens » [tu veux œuvrer pour mon bien, Jack ? Lâche-nous la grappe ! NDLR]. GTA Vice City, sorti chez nous le 8 novembre 2002, a considérablement appuyé le statut culte de la saga, en faisant le jeu le plus vendu de la PS2 cette année-là (pour un 18+, plutôt balaise), avant que GTA San Andreas, sorti lui en 2005, ne la place définitivement dans les petits papiers des gamers avec ses 20 millions d’exemplaires vendus (autant qu’un épisode de Pokémon !!). Et même les deux opus PSP, Liberty City Stories et Vice City Stories, se sont vendus comme des petits pains, offrant au studio Rockstar des scores plus qu’honorables pour des jeux sur consoles portables. Dans cette optique, autant dire que GTA IV, le premier de la new gen, était attendu comme le messie, tant par les joueurs que par les développeurs…
Lorsque les premières photos ont filtré dans la presse courant 2007, une fièvre s’est emparée des gamers du monde entier. Les images présentaient un jeu graphiquement sublime, extrêmement détaillé, et très vivant. Il n’en fallut pas plus pour relancer la pré-GTAmania. Dès lors chaque image, chaque screenshot fut étudié, chaque teaser disséqué, chaque promo déchiffrée, jusqu’à une date de sortie fixée au 23 octobre (en mondial, s’il vous plaît). Bon, depuis elle a été repoussée au 19 avril 2008, mais quand un studio prend six mois de plus pour peaufiner son bébé, on ne peut pas lui en vouloir…
Et finalement le voilà. LE fameux Grand Theft Auto IV, qui par sa numérotation se sépare de la saga III (qui compte, je le rappelle, tous les GTA, du III sur PS2/Xbox au Vice City Stories sur PSP/PS2). Finies donc les années 80, les palmiers de Vice City, les trips rétro, les coupes horribles et les chemises flashy. Fini les bippers d’un autre âge, les pubs radio mielleuses, les vannes sur le Vietnam… GTA IV prend pied dans le XXIe siècle, en 2007 exactement. Niko Bellic arrive de Serbie par un cargo, et c’est son cousin Roman qui l’accueille à ses premiers pas sur les docks de Liberty City. Dans leurs conversations mails, il a été question de villa, de caisses de sport, de bimbos, de piscines… l’American Dream, bref, pour tout immigré d’Europe de l’Est. Cependant, si la pauvre citadine gris sale qui l’amène dans un taudis infesté de cafards ne lui saute pas tout de suite aux yeux, Niko va vite comprendre que Liberty City, LA Liberty City, n’est pas du tout porteuse d’espoir et de bonheur. Rapidement mêlé aux affaires de la mafia locale, par son cousin, médiocre conducteur de taxis pour un russe alcoolique qui arrondit ses fins de mois en jouant dans des tripots tenus par des gangsters albanais, cumulant les ardoises jusqu’aux séances d’intimidation, poursuivi par une bande qui veut sa peau… Niko comprend qu’il va devoir se battre. Que ses compétences de soldat dans les conflits de l’Est vont lui servir s’il veut survivre. Et que parmi toutes les têtes qui veulent la sienne, se trouverait l’homme qu’il cherche depuis des années, et qui est à l’origine de sa véritable venue dans la ville des Libertés…
D’aussi loin qu’on puisse remonter (dans les opus 3D, tout du moins), les héros de GTA n’ont jamais eu une bonne gueule. Petit truand trahi par son équipe (le héros sans nom de GTA III), jeune branleur italien fraîchement sorti de prison (Tommy Vercetti, GTA Vice City), afro américain revenant dans son ghetto natal pour l’enterrement de sa mère (CJ, GTA San Andreas), homme de main devant éponger sa dette à la Mafia (Tony Ciprianni, GTA Liberty City Stories)… et maintenant un serbe sorti vivant d’un sale coup monté par ses équipiers d’antan, débarqué aux States pour se venger. Autant dire que la saga cumule les poissards, tous immigrés d’ailleurs, selon la volonté propre de Sam Houser, le créateur de la licence, lui-même immigré, qui tenait absolument à retranscrire le malaise ressenti par l’oppression dans une mégalopole étrangère. Bizarrement, ces antihéros nous paraissent plus proches, plus efficaces à jouer que le sempiternel chevalier blanc (il vous saoule pas, lui ?), et plus intéressants par le tissu de conflits qu’ils ont à régler. Niko n’échappe pas à la règle, ancien habitant d’un village paumé en Serbie, recruté d’office dans une guerre où il n’avait pas à participer. Contraint d’user de ses armes pour rester en vie, il a vu périr amis, voisins, femmes et enfants, avant d’être abandonné par ses compagnons lors d’une louche histoire de butin. La vengeance n’est pas une première dans la série, (Lance Vance cherche à venger la mort de son frère dans GTA Vice City, par exemple), mais force est de constater qu’elle trouve dans ce GTA IV un tout autre sens. Elle dissocie, oppose même ce IV aux autres opus, dans la mesure où Niko n’est pas un énième barbare prônant la mort et le chaos, mais, c’est une première, un VERITABLE être humain. Un homme profondément marqué, proche de sa famille, changé par un conflit qui ne le concernait pas, amené à agir en animal mais sans jamais renoncer à son humanité. Un aspect casse gueule, amené dans le gameplay même lors des séquences où il vous est offert de choisir entre laisser vivre cet homme que vous venez de poursuivre, ou l’achever. Sachant évidemment que le reste de l’histoire sera aménagé en fonction de votre décision (« Vivre ou mourir, à vous de choisir » , comme dirait Jigsaw). Une implication cornélienne du joueur, amenée à nouveau lorsqu’il vous sera demandé de tuer un de vos deux employeurs, chacun faisant appel à Niko pour abattre l’autre. Jamais GTA n’avait offert une telle plongée dans le scénario, offrant la liberté hors de la conduite et de l’habillage.
Pour le reste, car je doute que les gens achètent TOUS GTA IV pour son scénar, cet épisode remplit largement son contrat. Liberty City, remodélisée à partir de la map de GTA III, est énorme, mais remplie jusque dans ses recoins, contrairement à San Andreas, et sa carte gigantesque mais parsemée de vastes étendues désertiques (ça a déjà excité quelqu’un de rouler pendant dix minutes dans le sable sans croiser personne ??). Tout, des avenues marchandes aux ruelles mal famées jusqu’aux pavillons huppés, a été conçu pour plonger le joueur au cœur d’une expérience inoubliable. Dès lors, rouler dans Liberty City est un réel plaisir, des voitures offrant TOUTES une conduite différente, aux conducteurs dotés d’une vraie IA (ça change), sans parler des piétons qui parlent, s’agressent, téléphonent, font leur jogging… une sorte de vie artificielle, de ville pixellisée qui prend vie sous nos yeux. Il suffit juste de se poser sur un trottoir et d’admirer les alentours, pour comprendre que Liberty City n’a pas besoin de Niko pour bouger. Les flics poursuivent les criminels, les coups de feu éclatent en pleine rue, les accrochages se règlent au poing, le marchand de hot-dogs se fait des fortunes… hal-lu-ci-nant.
Hallucinant aussi, l’effort fourni par les gars de Rockstar pour inclure davantage GTA IV dans le monde réel. D’où la présence d’un véritable réseau Internet dans le jeu, avec leurs propres sites, leurs propres pubs, etc… si l’idée étonne en premier lieu, elle montre vite ses limites. Le Net n’est pas fort utile hors des missions, Rockstar tente bien de nous y amener pour converser avec nos contacts, mais cela ressemble davantage à un coup d’épée dans l’eau. A trop vouloir bien faire, le studio ne verrait-il pas trop grand ? En même temps on peut pas leur en vouloir. Cependant, l’idée du portable pour communiquer est L’idée du jeu. Niko peut recevoir des appels, mais aussi en passer- pour contacter ses employeurs, mais aussi la police ou les secours pour leur voler leur véhicule- recevoir des mails, prendre des photos, et également rentrer de manière définitive les cheats. Plus besoin ainsi de rentrer l’éternelle suite nonsensique de touches qui rebutait les joueurs de PS2 et Xbox, tout est enregistré dans le téléphone et utilisable quand bon lui semble. Et le portable est même customisable ! On croit rêver…
Le catalogue de véhicules est là aussi impressionnant, autos, camions, motos, et même scooters, semi-remorques… sans oublier les vedettes, idéales pour parcourir l’océan autour de la ville, ou encore les hélicos, parfaits pour rejoindre le sommet des immeubles (même si la plupart du temps, c’est pour en sauter ensuite !). Le choix est vaste, mais pas étouffant contrairement à San Andreas (encore lui), où les caisses se ressemblaient toutes sans offrir de réelle différence. La conduite a été revue, les véhicules sont plus difficiles à manier, notamment lors des dérapages au frein à main, c’est bien simple, la maniabilité se rapproche de celle des jeux de courses tendance technique (comme Forza Motorsport), et apporte une petit plus à ce jeu déjà bien plus « mature » que ses prédécesseurs. Et que dire des phases de tir ? Constituant la substantifique moelle de GTA, les séquences de shoot bénéficient d’un traitement de faveur, la caméra se rapprochant de Niko lors de la visée (comme dans Resident Evil 4), avec possibilité de zoomer une fois pour toutes les armes, et surtout, SURTOUT, un nouveau système de couverture- c’est vrai, après sept ans de GTA en 3D, fallait arrêter de courir comme un con vers les ennemis en les mitraillant parce qu’on pouvait pas se cacher… Niko peut se plaquer contre un mur, passer (à ses risques et périls) la tête au coin pour regarder, s’accroupir, tirer à l’aveugle… un mode déjà expérimenté dans Gears of War, et qui a fait ses preuves. Les fusillades en ressortent plus réalistes, mais aussi plus épiques, notamment lorsque plus de vingt personnes prennent pour cible le mur où vous vous êtes réfugié, les balles sifflant, la pierre s’effritant, le sang couvrant la caméra en cas d’impact… Autre nouveauté, et pas des moindres, Niko peut ENFIN enjamber un obstacle !! Il n’est plus obligé comme dans Vice City de sauter avec élan au-dessus d’un muret, dans une posture ridicule, glissant le long d’un bug… l’action, déjà présente- mais en toute inutilité- dans San Andreas (dont je ne dirais jamais assez de mal), prend ici une véritable dimension, dans l’inclusion dans les phases de tir ou de poursuites à pied, de passages d’escalades, de sauts d’un toit à l’autre… Prince of Serbia en quelque sorte ! Niko semble doté d’une souplesse inouïe, et les personnes qui auront déjà joué au jeu comprendront de quoi je parle, grâce au nouveau moteur de jeu nommé RAGE créé par Rockstar, qui rend Niko presque malléable au fil des impacts. Il suffit de le voir s’envoler, soufflé par une explosion, complètement désarticulé, pour qu’un fou rire ne vous oblige à poser la manette ! Et comme en plus le moteur gère aussi Niko quand il se fait renverser par une voiture (jamais deux fois la même animation, c’est fort), ou quand il se fait éjecter de son véhicule suite à un choc trop violent (tête dans le pare-brise à l’appui, si, si)… on comprend qu’on a affaire au summum du jeu vidéo. Une idée heureusement soutenue par l’incroyable qualité des cinématiques, à la fois divines graphiquement et sublimes cinématographiquement, chaque cut-scene étant l’occasion de placer un cadrage typiquement 7e Art, et du jeu d’acteur irréprochable. GTA a toujours brillé par ses cinématiques, et GTA IV ne déroge pas à la règle. Quel malheur dès lors, qu’on ne puisse pas en dire autant des musiques…
A qui la faute, du coup ? Est-ce Vice City (meilleure BO de jeu à ce jour) qui a placé la barre trop haut, ou San Andreas (toujours lui) qui a lancé une nouvelle mode de BO moisie ? Toujours est-il que depuis San Andreas, plus aucune BO de GTA n’atteint la folie sonore de celle de Vice City, chacune se complaisant dans le classique morose exception faite de deux ou trois titres cultes… et à notre grand désarroi, la BO de GTA IV s’enferme dans ce carcan décevant. Les radios ont beau brasser plus de trente ans de musique, offrant même de la pop serbe (WTF ?), mis à part Iggy Pop, le Seeker des Who, et le New York Groove de Hello, rien de bien transcendant à se mettre dans l’oreille sous le ciel nuageux de Liberty City. Un faux pas, certes éclipsé par la possibilité new gen de passer sa propre musique (Dieu bénisse les ports USB), mais qui entache quelque peu l’aura d’un jeu presque parfait.
- les graphismes hallucinants
- les temps de chargement minimes, on passe de l’intérieur à l’extérieur sans loading
- les animations détaillées
- une ville VRAIMENT vivante
- une pointe de technique dans la conduite
- les musiques craignent un max
- le Net de Liberty City pas assez exploité
- les flics un peu trop nerveux, c’est la guerre dès la première balle tirée en pleine rue
- pourquoi on peut plus tenir debout sur un véhicule qui roule ?!?
- l’indétrônable répétitivité des missions (tir, conduite, tir, conduite, tir, … )
Alors GTA IV, jeu de l’année ? Pour moi, à n’en point douter. De là à dire qu’il dépasse le cultissime GTA Vice City, faut pas pousser non plus. Il semblerait que Rockstar peine à battre les aventures de Tommy Vercetti au pays de chemises à fleurs, et ce serait mal vu de descendre GTA IV sous prétexte que le meilleur est derrière eux. En attendant les deux épisodes téléchargeables sur le Live (exclusifs à la Xbox360 avant le rachat de Rockstar par Sony en 2009- snif), et un lointain GTA V, force est toute fois de constater qu’on a entre les mains le sandbox le plus fun, loin loin loin loin devant Saints Row, et autres Just Cause.